Donner des knackis… Alors l’éducation positive ne se résumerait donc qu’à ça ?
Si la réponse était “oui”, alors le premier article de mon blog serait bien décevant… Rassurez-vous, la réponse est bien : noooooon !
Prenons les choses dans l’ordre.
Point 1. De quoi parle-t-on lorsque l’on évoque l’éducation positive ?
Je vous avoue que ce terme - étant utilisé en long en large et en travers - m’a donné du fil à retordre. J’ai longtemps essayé de comprendre ce qu’il sous-entendait, comment les éducateurs l’utilisaient dans leur pratique. J’ai entendu des phrases du style “l’éducation positive c’est : récompenser les bons comportements et ignorer les mauvais” (spoiler alert : je déteste cette phrase). J’ai vu des éducateurs commencer à intégrer dans leur pratique des récompenses alimentaires (précédées de bons vieux coups au collier ou toutes autres joyeuseries) pour faire valoir un certain côté “positif”, pas top. C’est ceux-là qu'on appelle les “tradi-bonbons”. Pourquoi pas top ? Parce que le chien n’a plus “”juste”” qu’à se méfier de la punition, maintenant il ne sait plus du tout sur quel pied danser : le bonbon ou la sentence ? La sentence ou le bonbon ?... J’ai vu des personnes avoir un tel désir de mettre en place une éducation respectueuse de leur chien qu’il en est devenu obèse, c’est chouette…mais pas trop quand même. J’ai aussi vu des personnes s’opposer à toute forme de contrainte envers leur chien à tel point qu’il en est devenu dominant - LOL, ça c’était une blague pour ceux qui n’auraient pas saisi la subtilité de mon humour. La dominance c’est caca, c’est moche et surtout ça n’existe pas. - Bref, quand je vous dis que tout le monde y va à sa sauce.
Et c’est là que tous en cœur, vous me dites : “et toi Juliette, tu penses quoi de l’éducation positive ?”. Et je vous réponds que…ce n’est pas un terme que j’utilise pour décrire ma pratique.
Je sens que vous êtes déçus. Je n’utilise pas ce terme tout simplement parce que ça va bien au-delà de l’éducation que l’on apporte à notre chien, c’est une façon d’interagir avec lui au quotidien, une philosophie de vie, une compréhension de l’animal et de ses comportements. C’est réfléchir et se questionner sans cesse sur la manière d’améliorer nos interactions avec nos animaux afin de leur donner les clés pour vivre de façon plus agréable dans notre monde d’humains. C’est privilégier sans cesse des méthodes permettant de préserver leur état émotionnel. C’est créer une relation de confiance et un environnement sécuritaire à l’arrivée du chiot ou du chien adopté dans le foyer avant même de penser à n’importe quelle forme d’éducation. C’est tenter d’être au plus juste, clair et cohérent même lorsque l’on met en place des “règles” à la maison. C’est dire à notre chien “tu peux faire ça” plutôt que “ne fais pas ça sinon on te cuit à la broche pour le dîner ce soir” (de 1 : vous ne lui donnez aucune indication sur ce qu’il pourrait faire à la place, et de 2 : si ça se trouve il aimerait bien être cuit à la broche donc votre menace elle est naze) . C’est aussi organiser son quotidien pour remplir tous les besoins de son chien. S’assurer qu’il est en bonne santé. Gérer l’environnement pour éviter qu’il exprime des comportements qu’on souhaiterait qu’il n’exprime pas… Et enfin mais pas des moindres, utiliser les fameuses knackis pour renforcer tout un tas de comportements que l’on adore voir apparaître chez notre cher compagnon à quatre pattes.
Voilà ma version de l’éducation positive.
Point 2. De quoi ne parle-t-on pas lorsque l’on évoque l’éducation positive ?
Cette partie de l’article ne vise personne, mais suivez quand même mon regard. Non, nous - éducateurs en méthodes positives - ne sommes pas laxistes, sans règles, trop gentils, soumis aux chiens dominants (relol) et adeptes de l’euthanasie à la moindre difficulté. Nous ne sommes pas non plus incompétents, trop permissifs ou des charlatans. Nous sommes juste…formés correctement et à jour de nos connaissances en science du comportement animal.
Rien à ajouter.
Point 3. Quel intérêt d’éduquer positivement si les punitions, aussi “““douces””” soient-elles, fonctionnent ?
Le problème avec la punition, c’est qu’elle marche. Et elle marche très bien même, et rapidement en plus. Donc comment on fait, nous professionnels qui tentons de changer la vision du chien et de son éducation, pour faire valoir nos méthodes ? Et bien… On creuse un peu plus loin que le simple cadran du conditionnement opérant (c’est lui qui dit que le chien apprend à reproduire, ou non, des comportements par punition ou par renforcement). Et on se demande quels effets à long terme une éducation par punition peut avoir, quelles émotions elle implique, comment le chien vit ses apprentissages quoi.
Je suis bien désolée mais la punition, pour exister en tant que telle, doit être inévitablement désagréable pour l’animal. Je n’ai pas dit violente, je n’ai pas dit traumatisante non plus, juste désagréable, et ça suffit. Ici on va parler de punitions qui, pour la plupart des chiens, sont des punitions pas cool (la knacki peut être une punition, voir le point suivant). C’est-à-dire des petites engueulades, des “non” fermes, un petit coup de rouleau d’essuie-tout sur la croupe ou des à-coups dans la laisse… Aussi “douce” soit la punition, elle joue sur la peur du chien. Oui oui, j’utilise les grands mots. Je ne parle pas de peur panique du genre “oh mon dieu je vais mourir” mais plutôt de la peur du genre “aïe, ça sent mauvais pour mes fesses”. Le chien a tout intérêt à ne pas reproduire le comportement pour lequel il a été puni pour être sûr que ça ne sente plus mauvais pour ses fesses, c’est comme ça qu’il l’a appris. Deux choses : est-ce que vous lui avez expliqué quoi faire à la place ? Pas sûr. Est-ce qu’il y a un risque qu’il vous propose un comportement que vous aimeriez encore moins ? Il y a des chances.
Combien de personnes j’ai entendu dire “mais je n’utilise plus la vibration / le pschit du collier car il comprend dès que je lui met le collier autour du cou ou dès que j’active le premier BIP !” ou encore “il sait qu’il n’a pas le droit donc il ne le fait pas quand je suis là”… Et si on se demandait maintenant quel est le point commun entre ces deux phrases ?
Dans la première, on imagine que le chien a eu le droit d’être paré d’un splendide collier (hum hum) suite à un comportement qui visiblement ne plaît pas beaucoup à son humain. Première fois qu’on l’active : un BIP puis une vibration/pschit. Le chien est surpris (si seulement il ne pouvait être que “surpris”). Deuxième, troisième fois, le chien commence à comprendre le lien entre son comportement et l’arrivée du BIP puis de la vibration/pschit. Magie, ça fonctionne, mon chien arrête de produire le comportement dès le BIP ! Et bientôt, magie, il arrêtera de le produire dès qu’il verra que son humain sort le collier ! Vous faites le lien ? “Arrivée du collier” ou “BIP” = “j’arrête de faire ça sinon c’est chaud pour moi”. Et peut-être aussi : “collier pas là” = “peut-être qu’il y aurait moyen que je puisse quand même faire ça ?”.
Dans le deuxième exemple : “il sait qu’il n’a pas le droit donc il ne le fait pas quand je suis là”, on remarque clairement la corrélation entre la présence de l’humain et l’expression (ou non) du comportement du chien. Vous faites le lien entre le collier de l’exemple précédent et l’humain de cet exemple ? Je vous laisse y réfléchir.
Point 4. Les knackis, c’est trop cool, mais ça les rend pas tous maboules.
Aïe, et donc si Médor n’aime pas les knackis, à la poubelle l’éducation positive ? Mais noooon, ne soyons pas si pessimistes.
Quand on utilise les knackis dans les apprentissages, c’est tout simplement pour renforcer un comportement que l’on souhaite voir réapparaître chez notre chien. C’est-à-dire qu’on va vouloir qu’il associe que le comportement qu’il a produit a engendré une conséquence super méga cool pour lui. Ça s’appelle le renforcement positif. Il a donc tout intérêt à le reproduire encore plus, encore plus vite, encore plus longtemps... Sauf si… Sauf si la conséquence que nous, humains, trouvons trop géniale ne l’est pas vraiment pour Médor qui, lui, déteste les knackis. Dans ce cas, on aura puni ce pauvre chien à coup de vilaines knackis et retour à la case départ pour notre apprentissage.
Ce n’est qu’une image. On peut remplacer le mot “knacki” par pleins d’autres types de friandises, des jouets, l’attention de l’humain, l’accès à des odeurs, l’accès à des congénères, l’expression de comportements super appréciés etc etc etc. Mais seul le chien pourra choisir parmi cette liste ce qui vaudra en tant que renforçateur ou en tant que punisseur de ses comportements. À noter que certaines conséquences que nous, humains, pensons punitives pour le chien, sont en réalité renforçatrices pour lui. Mais bon, ça j’en parlerai dans un prochain article dont le sujet portera probablement sur le fonctionnement des apprentissages chez tous les animaux en général. Si vous êtes sages.
Amipattement vôtre,
Juliette Busquet - 10 pattes en 1