Mon cheval mâchouille. Est-il vraiment en train de se relaxer ?

Après avoir passé deux jours fabuleux avec la grande Rachaël Draaisma, je me devais de vous écrire un article sur le sujet.

Rachaël Draaisma ou la Queen du langage corporel équin

Pour celles et ceux qui ne la connaissent pas, Rachaël est l’auteure du très connu - du moins je l’espère - livre “Langage Signs and Calming Signals of Horses” plus récemment traduit en français sous le nom de “Langage corporel et signaux d’apaisement chez les chevaux”. Elle a également étudié les capacités olfactives du cheval et écrit un autre livre (“Scentwork for horses”, que je conseille !!!), mais ça j’en parlerai dans un prochain article.

Après avoir passé des années auprès de Turid Rugaas - dont vous connaissez sûrement aussi le nom pour les férus de toutous - pour terminer d’approfondir ses connaissances sur le chien, elle a finalement décidé de se pencher sur la communication du cheval encore sous la supervision de Turid, ce sujet étant très peu étudié (voire pas du tout) à l’époque. C’est à partir de là que Rachaël a commencé à mettre en avant les réactions du cheval à différents niveaux de tension face aux stimuli qu’il peut rencontrer dans sa vie quotidienne. Elle a mis en lumière tout un tas de signaux relevant de ces différents états de tension dont ceux que l’on appelle communément : les “signaux d’apaisement”. Ils permettent aux chevaux de s’apaiser entre eux et de préserver leurs relations en conservant un climat social positif avec peu de conflits. Mais ils peuvent également les utiliser, toujours à visée d’apaisement, face à tous les stimuli de leur environnement susceptibles de les faire réagir… Donc même envers nous, humains !

Mais alors, comment reconnaître les signaux d’apaisement chez notre cheval ?

Une partie des signaux d’apaisement les plus connus (et facilement visibles) sont :

  • mâchouiller

  • bailler

  • détourner la tête (ou plus subtil : le regard)

  • secouer l’encolure ou le corps

  • montrer le flanc ou l’arrière-main (non, votre cheval ne cherche pas forcément à vous envoyer un sabot dessus…)

  • brouter (et oui, votre cheval peut l’utiliser pour apaiser une situation !)

Parmi les signaux les plus subtiles, on aura également les clignements d’yeux, les yeux mi-clos, la modification de la forme des naseaux, etc.

Et si la tension monte encore un peu… Avez-vous déjà remarqué que votre cheval se frottait la tête sur un antérieur ? Qu’il pouvait gratter ou flairer le sol ? Mais aussi lécher ou mordre des objets (ou lui-même) ? Ou encore faire des rotations avec sa tête ? Ce sont une partie de ce que l’on appelle les “activités de substitution”.

Enfin, si le cheval escalade encore cette échelle de tension, cela le mènera à exprimer ensuite des signaux de stress. Ceux là vous les connaissez sûrement car ce sont les plus visibles. Ce sont ces signaux que votre cheval exprime lorsque la situation n’est plus gérable pour lui (et qu’il a tenté 359459468 choses avant qui ne changent rien à la situation). C’est ce moment précis où votre cheval pète en l’air, qu’il vous marche dessus, fait demi-tour en balade sans vous demander votre avis ou encore vous arrache la longe des mains pour retourner au grand galop retrouver ses copains en faisant le dragon. Parmi les signaux de stress, on peut retrouver :

  • tête / encolure en position haute

  • yeux ou naseaux arrondis

  • oreilles qui bougent beaucoup

  • des crottins ou urines plus fréquents (le nombre de crottins peut être un très bon indicateur durant vos séances de travail…)

  • des mouvements plus frénétiques (notamment pour prendre de la nourriture, boire ou brouter // ou au contraire ne plus se nourrir)

Je vous invite à vous procurer le livre dont je vous parlais au début, qui est une mine d’or, si le sujet vous intéresse et que vous souhaitez creuser un peu plus. Il est écrit et détaillé de telle sorte à être accessible à tous.

Mâchouiller = exprimer une tension

Si votre cheval mâchouille, tant mieux, il exprime quelque chose ! Mais en déduire "qu'il a compris" - on l’entend très souvent, j’étais obligée ! - ou qu’il est forcément en train de se relaxer est totalement questionnable. En fait, ce n'est ni faux et ni vrai, c'est seulement le contexte et les autres signes que le cheval va émettre (ou non) qui nous le dirons.

Imaginons donc qu’il mâchouille pour se relaxer. Prenons la définition de "se relaxer", qui est également synonyme de "se détendre" ou encore “se décontracter”. Cela implique qu'il y a nécessairement eu état de tension au préalable, aussi léger soit-il. Vous êtes vous donc déjà posé la question en observant votre cheval mâchouiller : pourquoi est-il monté en tension ? Puis, cette tension est-elle bien en train de se dissiper ? Il se peut très bien aussi qu’il n’y ait aucun lien avec une tension quelconque. Il a peut-être juste mangé un truc bizarre ou l’eau n’avait pas le goût qu’il attendait, ce qui l’a fait mâchouiller.

Parenthèse, on ne me fera pas dire ce que je n’ai pas dit : une tension n'est pas un gros mot mais une information à prendre en compte pour mieux appréhender l'état mental / émotionnel de son cheval. Un monde sans tensions n'existe pas, autant qu'un stimulus peut ne pas créer de tension chez un cheval et en créer chez un autre. Un vélo qui passe peut être source de tension, une feuille qui vole, une ombre sur le sol, un bruit, un objet, un humain, un autre cheval qui avance vers lui et même une séance de gratouilles...

Parenthèse fermée, nous disions : première possibilité. Notre cheval mâchouille car il est en train de se relaxer. Il est donc en train de redescendre en tension en exprimant ce signal d’apaisement suite à un élément qui est venu perturber son environnement direct alors qu’il était détendu (dans sa zone de confort émotionnelle). Ce signal est souvent accompagné d’un second quelques secondes plus tard. Puis il retourne immédiatement dans sa zone de confort. C’était une réaction du genre : “OH MON DIEU, ah non c’est rien”. Et c’est fini. Ce cas là est le plus génial, car il permet au cheval d’élargir sa zone de confort, le faire réfléchir et lui permet d’affronter des nouveautés plus facilement !

Deuxième possibilité, un élément (le même ou plus fort) vient perturber son environnement. Cette fois-ci, il montre 1, 2, 3 signaux d’apaisement à la suite, sans pause. Il en exprime beaucoup sur un temps très court. La tension est plus intense et en fonction de l’individu (santé, tempérament, contexte, humain avec lui, étendue de sa zone de confort…), il va : escalader l’échelle de tension ou la descendre.

S’il est sur une pente descendante, la durée entre les différents signaux d’apaisement qu’il exprime va augmenter peu à peu, jusqu’à ce que le cheval retrouve sa zone de confort.

Alors que s’il continue de monter en tension, c’est là qu’il va commencer à exprimer des activités de substitution (mentionnées plus haut), alternées avec des signaux d’apaisement et puis même aller jusqu’à exprimer des signaux de stress si la source de tension perdure (ou augmente)… Jusqu’à n’exprimer peut-être plus que des signaux de stress ! Une fois que l’élément de tension intense sera éloigné ou retiré, le cheval redescendra cette échelle en passant par les activités de substitution et les signaux d’apaisement pour retrouver enfin sa zone de confort.

À noter que certains chevaux ont une capacité à retourner au calme de manière très rapide - sous entendu une zone de confort très large -. Une source de tension intense et ponctuelle (coup de feu très proche par exemple) peut faire monter tout cheval dans les signaux de stress immédiatement (sans passer par le reste), et certains chevaux redescendrons immédiatement, après avoir compris qu’il n’y a pas de danger pour leur vie, dans quelques signaux d’apaisement avant de retrouver le calme.

Mieux comprendre son cheval pour mieux l’aider

L’importance de comprendre le fonctionnement du langage corporel du cheval, c’est que l’on peut tenter de l’aider mais aussi, et surtout, c’est que l’on peut mieux le comprendre.

Souvent, les comportements de nos animaux, et en particulier les comportements que l’on apprécie peu chez eux, touchent directement notre égo d’humain. “Mon cheval me montre ses fesses quand j’essaie d’aller vers lui, il est malpoli !”, “il se frotte à chaque fois la tête sur moi quand on fait un exercice, je ne suis pas un arbre !” ou alors “mon cheval m’arrache la longe pour retourner avec ses copains, il ne m’aime pas !”… Tant de réflexions qui mettent en avant le manque de compréhension de leur langage. Ils nous disent simplement quelque chose à un moment précis et dans un contexte précis, à nous d’apprendre à les écouter.

S’il me montre les fesses lorsque je l’approche au pré, peut-être pourrais-je revoir mon approche ? S’il se frotte la tête contre moi à chaque fois que je lui demande quelque chose (de peut-être un peu trop compliqué pour lui !), je pourrais tenter de travailler cette chose avec des attentes plus adaptées à mon cheval et en étant attentif aux signaux qu’il m’envoie ? S’il me prend la longe pour retourner au galop vers ses copains à chaque fois que l’on sort de son pré, peut-être pourrais-je me demander s’il est réellement capable émotionnellement de s’éloigner d’eux, et si ce n’est pas le cas : travailler dessus ? Et 1001 autres questions que l’on pourrait se poser pour, parfois, se mettre un peu à la place de son cheval et se demander s’il vit bien tout ce qu’on lui propose au quotidien.

Et quand on devient parano des signaux…

Souvent quand on commence à s'intéresser aux signaux de communication chez les chevaux, on en devient paranoïaques. Ça a été personnellement mon cas ! “Oh mon cheval baille, détourne le regard ou me montre son flanc, qu'est ce que j'ai fait ?! Je suis une mauvaise humaine pour lui !!!”.

En fait, ce qu’il faut voir avec tous les signaux de communication dont j’ai parlé au dessus, c’est qu’ils peuvent être simplement de très bons indicateurs et parfois, on peut juste mettre cette information d’un côté de notre tête. Et se demander par exemple : “Ah tiens, quand je sors telle brosse, il me montre quelques signaux. Est-ce qu’il continue à m’en montrer le temps que je le brosse ? Peut-être qu’il a des douleurs, ou n’aime pas trop que je le touche ici ou là ? Je verrais la prochaine fois s’il me dit la même chose, c’était peut-être juste aujourd’hui.”.

Alors je terminerais là dessus : prendre un peu de temps pour observer (et prendre en compte) ce que son cheval raconte au quotidien c’est aussi créer un langage commun et renforcer sa relation de la plus belle des manières.

Amipattement vôtre,

Juliette Busquet - 10 pattes en 1

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