À l’aide : mon chien est méchant !

Bonjour le titre accrocheur… Évidemment, il ne reflète en aucun cas le fond de ma pensée : aucun chien n’est méchant, chaque chien réagit simplement à sa façon à des choses dans son environnement qu’il n’arrive plus à gérer. Ne vous inquiétez pas, je vais détailler tout ça.

Vous l’aurez donc compris, nous allons parler de ce que l’on appelle : la réactivité chez le chien.

La réactivité, qu’est-ce donc ?

Un chien dont on dit qu’il est “réactif” est un chien qui réagit à certains éléments de son environnement. Cela peut-être : un autre chien, un humain, un vélo, une voiture, un joggeur, l’aspirateur, le tuyau d’arrosage, le fils du voisin… 

Petit point vocabulaire : si vous me voyez raconter qu’un chien se déclenche, cela fait référence au fait que le chien commence à réagir à un stimulus. Et ce stimulus, je peux parfois l’appeler aussi “déclencheur”.

Karen Pryor (je dois la présenter ?) a dit :

“L’agressivité chez le chien n’est qu’un comportement.”

Et sachez, mesdames, messieurs, que tout comportement est modifiable (avec plus ou moins de travail, je vous l’accorde). C’est pour cela que je préfère dire qu’un chien “exprime des comportements réactifs”, ça fait un peut moins post-it sur son front “JE SUIS RÉACTIF ET ON NE POURRA RIEN Y CHANGER”.

Bref. Ces comportements sont souvent assez “extrêmes”, c’est-à-dire que le chien peut aboyer, grogner, pincer, mordre, mais aussi tirer fort sur sa laisse pour atteindre le stimulus qu’il ne tolère pas, courir après

L’expression de la réactivité chez un chien n’est pas toujours impressionnante. Par exemple, sur la vidéo suivante, mon chien Olli est attaché en laisse  et réagit à un petit chien, arrêté sur le côté avec son humain en laisse lui aussi (le chien hein, pas l’humain LOL).

Rien d’impressionnant sur les images, je vous l’accorde. Mais si on avait continué de croiser d’autres chiens de cette manière, ça serait probablement devenu plus impressionnant au fur et à mesure. J’aurai laissé ses réactions s’installer et se renforcer - en les renforçant probablement en partie moi même aussi -.

Revenons à nos moutons (qui peuvent aussi être des déclencheurs d’ailleurs !). Pensez-vous que la réactivité ne se résume qu’à des comportements agressifs ?

Oh que non ! Et on ferait quoi sinon de tous ces chiens que l’on adore décrire de “peureux” ? Et bien ceux là aussi ont des comportements réactifs. Sauf qu’ils réagissent à leur déclencheur plutôt en : se figeant, se recroquevillant, la queue bien enfermée entre les pattes, la tête basse et le regard détourné… C’est sûr que ce chien là on le remarque beaucoup moins. Il est pourtant peut-être dans une détresse aussi grande que le chien qui est en train de grogner ou mordre.

Et s’il y avait des émotions derrière…

Je viens de parler de détresse, et si on parlait maintenant des émotions d’un chien qui réagit face à son déclencheur ? Alors, pour tout vous dire, la réactivité n’est pas nécessairement liée à une détresse du style angoisse extrême.

La réactivité peut en réalité être liée à :

  • une peur ou une phobie : le chien réagit par évitement, pour que son déclencheur s’éloigne !

  • de la frustration : le chien a compris qu’aboyer et tirer sur la laisse comme un dingo lui permet parfois d’accéder à ses copains par exemple… et parfois non, ce qui le fait réagir encore plus !

  • une excitation intense : le chien assiste par exemple à une partie de jeu mouvementée d’enfants dans la piscine et il monte en pression à tel point qu’il attrape le premier enfant qui sort… Pas cool les exemples avec enfants, mais ça arrive.

⬇ Petite parenthèse scientifique pour ceux qui veulent aller plus loin ⬇

Les émotions du chien sont pilotées par plusieurs parties de son cerveau en simultané.

L’amygdale est le siège des émotions du chien : peur, douleur, colère, anxiété, agressivité… Elle réagit à des stimulus par “survie” en déclenchant des réactions involontaires (réflexes) chez le chien avant que le reste du cerveau n’ait pu traiter l’information.

L’hippocampe permet d’archiver, en relation avec l’amygdale, une “photo” de la situation anxiogène : environnement, objets, personnes présentes...

Ces différentes parties sont en lien direct avec le système nerveux autonome qui active le système nerveux sympathique lorsqu’un danger apparaît. L’amygdale entraîne alors la libération d’adrénaline et de cortisol qui modifient directement les réponses physiologiques du chien : respiration et rythme cardiaque accélérés, dilatation des pupilles, arrêt de la digestion… Ces réponses réflexes précèdent l’analyse de la situation par le cerveau.

⬆ Fin de la parenthèse scientifique ⬆

Lors d’une situation anxiogène pour le chien, il se retrouve donc dans un état d’urgence pour sa vie dont il n’est absolument pas responsable. C’est hors de son contrôle, cela relève du réflexe. Vous remarquerez qu’il est dans un “état second” dans lequel il peut ne plus réagir à vos demandes qu’il connaissait pourtant si bien ou ne plus vouloir manger ses friandises qu’il adore pourtant d’habitude. Son corps n’est momentanément plus en capacité de gérer d’autres éléments que son déclencheur.

Je fais comment pour aider mon chien alors ?

Le but va être d’aider son chien à modifier sa réponse émotionnelle face à ses déclencheurs pour l’aider à faire face à certains éléments du monde qui l’entoure et qu’il y vive de façon plus sereine. 

Vous l’aurez compris, la réactivité chez le chien implique des réponses émotionnelles incontrôlées chez lui… et souvent chez son humain également qui peut parfois être submergé de honte face au regard des autres, de peur qu’il arrive quelque chose ou encore de pression de son entourage.

L’idée va être de travailler cette réactivité de façon très graduelle, en évitant un maximum d’exposer le chien à ses déclencheurs pour éviter d’entrer en zone rouge et de renforcer ses réactions (et potentiellement aggraver sa peur), tout en lui permettant de trouver une distance à laquelle il est totalement capable de gérer la situation (zone verte). Le but étant, à terme, d’aider le chien à étendre sa zone verte !

Avec le travail, en améliorant les connaissances de l’humain sur le langage de son chien pour qu’il reste en zone verte (détection des signaux d’apaisement / stress), en apprenant au chien des comportements alternatifs, en lui proposant des activités qui peuvent l’aider à regagner confiance en lui (coucou le pistage !!!), en créant de nouvelles associations positives, en lui offrant plus de pouvoir de décision… Le chien retrouvera peu à peu confiance en lui, en son environnement tout en recréant une symbiose et une confiance mutuelle avec son humain.

Le fléau du flooding et des méthodes “à l’ancienne”

Ce que dit la science :

Une recherche vétérinaire de l’Université de Pennsylvanie a montré que l’utilisation de méthodes aversives pour modifier des comportements réactifs maintenait, voire augmentait, le niveau d’agressivité du chien (Reese, 2009. If You're Aggressive, Your Dog Will Be, Too, Says Veterinary Study at University of Pennsylvania).

Une étude a même montré que l’utilisation de méthodes coercitives (colliers électriques par exemple) engendrait des comportements agressifs chez les chiens n’en exprimant pas initialement (Polsky, 2000. Can aggression in dogs be elicited through the use of electronic pet containment systems ?).

Enfin, l’utilisation de méthodes respectueuses et permettant plus de pouvoir de décision chez le chien permet une amélioration des comportements réactifs (Shofer & Reisnet, 2009. Survey of the use and outcome of confrontational and non-confrontational training methods in client-owned dogs showing undesired behaviors).

Quand on parle d’utiliser des méthodes “aversives” ou “coercitives”, cela représente le fait de se servir de punitions pour éduquer son chien. Et par là on entend : crier sur son chien, mettre un à-coup dans la laisse, le violenter, utiliser un collier électrique (ou autres colliers à vibration, pschit ou je ne sais quoi)… Toutes ces méthodes ont pour unique objectif de faire diminuer ou éteindre certains comportements du chien qui déplaisent à l’humain. Dans le cas de la réactivité, et comme confirmé par la science, ces méthodes engendreront une association d’autant plus négative au stimulus problématique, et feront réagir le chien encore plus fort la fois suivante du fait de l’aggravation de ses émotions négatives face au déclencheur.

Et bien au delà de ces méthodes… On retrouve ce que l’on appelle : le flooding, ou l’immersion. C’est une technique aversive et coercitive permettant de “vaincre” la réactivité dirons nous… Ou plutôt d’en effacer (ou pas) les éléments visibles. C’est une exposition complète du chien à son déclencheur sans qu’il n’ait la possibilité de s’y soustraire, jusqu’à ce qu’il n’émette plus de comportements réactifs. Ça ne vous fait pas penser à ce chien qui “n’aime pas les autres” et que l’on place au beau milieu d’un parc à chien en attendant de voir s’il “s’améliore” ? Hum… On efface les symptômes sans réfléchir à la cause. Un ignoble pansement quoi. Cette méthode implique une perte totale du pouvoir de décision du chien et peut être responsable de la création d’une phobie encore plus grande et généralisée, ou de la résignation acquise du chien.

Choisissez des professionnels formés, merci pour vos chiens !

Combien d’humains voit-on punir leur chien qui exprime des comportements réactifs parce qu’ils sont passés dans les mains d’éducateurs non compétents ? Et on ne peut pas en vouloir à ces humains, on ne leur a pas donné d’autres solutions et ils ne savent plus comment gérer la situation autrement… Combien d’éducateurs, qui influencent énormément de personnes sur les réseaux sociaux pour certains, voit-on “réhabiliter” un chien réactif par du flooding et dire “qu’il s’y est fait” car il ne réagit plus à son déclencheur ? Alors que le chien a juste appris à ne plus s’exprimer et garder ses émotions bien enfouies au fond de lui… Hein, combien ?

Mon objectif de vie, en tant que professionnelle formée - et qui se formera encore et encore - à la réactivité, c’est clairement de me battre pour réduire l’impact de ces combien sur les chiens. Pour que les “chiens réactifs” soient enfin compris et non plus jugés. Et une multitude d’autres professionnels excellents se battent pour la même cause.

Petit mot sérieux (comme si le reste ne l’était pas…) pour terminer. Si votre toutou exprime des comportements réactifs, je ne peux que vous conseiller de vous tourner vers un éducateur formé spécifiquement au sujet. Cette problématique mettant tellement en jeu l’émotionnel du chien, ça ne s’invente pas… Si on vous parle de dominance, de hiérarchie ou d’obéissance face à son déclencheur… Fuyez ! Et au contraire si on vous parle d’émotions, de créer de nouvelles associations positives au déclencheur, d’aider votre chien à retrouver confiance… Tournez-vous plutôt vers ces professionnels !

Amipattement vôtre,

Juliette Busquet - 10 pattes en 1

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