Mon animal peut-il être têtu, vexé ou jaloux ?
Allez, on va s’attaquer à un sacré sujet : ces grands mots utilisés pour expliquer les comportements de nos animaux et fermer les yeux sur ce qu’ils expriment vraiment…
On les appelle : les étiquettes.
Mettre dans une case… Pour se trouver des excuses !
Mon chien ne revient pas quand je l’appelle ? Il est têtu.
Ma jument couine quand je lui touche le ventre ? C’est une morue.
Mon chien a détruit la maison quand je l’ai laissé seul ? C’était pour se venger, il était vexé.
Mon cheval chasse les autres chevaux lorsque j’essaie d’interagir avec eux ? Il est jaloux.
Et 1001 autres étiquettes : borné, difficile, sensible, méchant, peureux, joueur, émotif, soumis, dominant, spécial, brutus, teubé… La liste est non exhaustive.
Je ne peux m’empêcher de me remémorer la réaction de Jacinthe (que j’ai eu la chance de rencontrer lors d’un stage sur la réactivité chez le chien). Jacinthe Bouchard, c’est une grande comportementaliste animalière québécoise pour ceux qui ne la connaissent pas. Je vais tout simplement citer (plus ou moins d’après mes souvenirs) ce qu’elle nous a dit avec sa façon incroyable de dire les choses sans passer par 4 chemins : “D’accord, ton chien est méchant. Du coup, tu fais quoi ? Tu le tues ?”
Et c’est cette remarque qui m’avait fait réfléchir au côté très fataliste de mettre nos animaux dans une case. Comme s’il n’y avait pas de solution parce que c’est dans sa nature (ce qui est faux !). Comme s’il avait toujours été comme ça et qu’on ne pourra rien y faire. Comme si c’était même une excuse pour utiliser des méthodes d’éducation plus “strictes“ (dirons-nous). Et comme pour nous dédouaner de toutes responsabilités face aux comportements que notre animal exprime et ne pas réfléchir à la façon de les améliorer.
Et si ce n’était qu’une affaire d’apprentissage… Ou peut-être pas !
Globalement les animaux fonctionnent par association et apprentissage. Ils associent tel humain / objet / animal / situation à quelque chose de cool ou de pas cool. Et ils apprennent à reproduire (ou non) des comportements en fonction de leur conséquence directe (favorable ou défavorable pour eux). En version simplifiée.
Ceci étant dit, on va reprendre maintenant le premier exemple en haut de l’article : “Mon chien ne revient pas quand je l’appelle ? Il est têtu.”
S’il ne revient pas quand vous l’appelez, êtes-vous sûr de lui avoir bien appris à revenir ? Quelle conséquence directe a-t-il eu lorsqu’il est revenu (ou justement, lorsqu’il n’est pas revenu) ? A-t-il un réel intérêt de revenir ? Qu’a-t-il à gagner ? Êtes-vous plus intéressant que ce qu’il était en train de faire avant que vous l’appeliez ? A-t-il déjà vécu une (ou plusieurs) mauvaise(s) expérience(s) lorsqu’il était revenu ? Toutes ces questions à se poser avant même de mettre l’étiquette “têtu” sur la tête de votre chien…
Option 1 : Vous avez sauté des étapes dans votre apprentissage. A-t-il appris à revenir à cette distance ? Ou encore avec ce niveau de distraction ? Dans cet environnement ? …
Option 2 : La conséquence au comportement “rester sentir les odeurs trop cool qu’il est en train de sentir” ou encore “continuer à jouer avec ses copains” est vachement plus favorable pour lui que de revenir vous voir pour avoir une croquette qu’il mange déjà tous les matins. Il choisira ce qui est le plus cool pour lui, c’est évident et ça ne fait pas de lui un “chien têtu” !
Option 3 : Il se prend la rouste de sa vie à chaque fois qu’il revient à vous un peu trop longtemps après que vous l’ayez appelé. Il a donc appris que revenir n’était pas cool du tout. Il revient donc de plus en plus lentement avec de moins en moins d’entrain, vous vous énervez de plus en plus et il revient ainsi de moins en moins… Un vrai cercle vicieux. Et c’est souvent dans ce cas là qu’on voit apparaître ce fameux outil - dont je ne citerai pas le nom - au lieu de simplement remettre une longe et de reprendre l’apprentissage du rappel dans le calme en changeant quelques paramètres.
Option 4 : Il revenait très bien jusqu’au jour où il est arrivé un évènement négatif, peut-être indépendant de votre volonté, lorsqu’il est revenu (s’est fait agresser par un autre chien en arrivant en courant vers vous, s’est fait peur à cause d’un gros bruit retentissant au même moment…). Et cet évènement est resté ancré et a empoisonné votre rappel.
Option 5 : Ses besoins ne sont pas correctement remplis (exploratoires, sociaux, locomoteurs…) ce qui rend certains apprentissages plus compliqués à mettre en place.
Option 6 : Il n’entend pas correctement et vous ne le saviez pas. Ah, je suis sûre que vous n’y aviez pas pensé ! Bon, ce n’est pas une nouvelle excuse pour mettre l’étiquette “sourd” à votre chien.
Bref, vous voyez l’idée. Et il y a mille autres options possibles.
De même pour les autres exemples, un chien qui détruit en votre absence ne se venge pas ou n’est pas vexé, il peut très bien s’ennuyer et trouver des occupations tout seul ou encore être dans un état émotionnel de stress, d’anxiété ou de phobie profonde, l’exprime comme il peut et tente de s’apaiser par tous les moyens... Une jument qui couine lorsqu’on lui touche le ventre a peut-être profondément mal... Un cheval qui chasse les autres lorsque vous êtes dans leur espace peut exprimer par des comportements “agressifs” un manque d’accès à certaines ressources (souvent alimentaires mais aussi sociales), un mal-être, une douleur…
Donc oui, il y a des comportements appris, ça c’est certain. Mais il y a aussi des comportements directement liés à la santé de l’animal, à un manque de satisfaction de ses besoins, à des expériences passées négatives, à des émotions trop difficiles à gérer, à des apprentissages non aboutis…
“Observez” plutôt que “qualifiez” !
Votre plus grande alliée sera… L’observation !
Par là, j’entend : l’observation des comportements que votre animal exprime et qui vous amènent à dire qu’il est *ci* ou *ça*. En essayant de porter un œil plus objectif sur ses comportements et en essayant de comprendre le contexte et comment ils s’expriment, vous aurez bien plus d’informations sur la situation et surtout vous saurez bien mieux comment agir / réagir.
DONC : au lieu de dire “mon chien est méchant / agressif” on va plutôt dire “quand un autre chien apparaît au loin, mon chien se fige et le regarde le corps tendu, se lèche la truffe, détourne le regard, refixe le chien (qui est encore en train de se rapprocher), sa queue est très haute et les babines sont relevées. PUIS il aboie en tirant sur la laisse en direction du chien en face”. C’est tout ces éléments là mis les uns à côté des autres qui pourront vous laisser penser que votre chien est à l’aise (ou non) en présence d’un autre chien. Et c’est ces éléments là également qui vous permettront de mettre en place un travail adapté pour améliorer la situation. Mais tout ça n’est pas évident à observer et cette réflexion n’est pas innée, il faut l’apprendre (et potentiellement se faire accompagner).
Prenons enfin l’exemple du chien “joueur”. Vous dites qu’il est joueur parce qu’il court dans tous les sens dès qu’il rencontre un autre chien. Avez-vous bien observé sa posture ? Êtes-vous certain qu’il est bien à l’aise ? Ne montre-t-il pas de signaux d’inconfort ? Le jeu est-il équilibré ? Est-il écouté par l’autre chien ? Écoute-t-il l’autre chien ? Vous suivrait-il si vous lui proposiez de vous éloigner ? Il est peut-être au contraire absolument mal à l’aise.
Bon, vous aurez compris ce que je veux dire. Les étiquettes n’aident en rien nos animaux, ça c’est clair, et encore moins lorsque l’on se trompe dans notre jugement.
Alors je ne peux que vous conseiller d’affiner votre regard sur le langage corporel de votre animal. Pour mieux le comprendre et pour mieux l’aider.
Amipattement vôtre,
Juliette Busquet - 10 pattes en 1